Le latin biblique
Le cadre de départ de l’enquête est ici le corpus des Evangiles, avec par conséquent comme langue source le grec (voir sur ce sujet les études approfondies de Gianollo (2010-1011) qui poursuit par ailleurs l’analyse, au-delà de l’ordre syntagmatique, jusqu’au problème des assignations casuelles). Mais il pourrait être intéressant d’élargir le corpus et la confrontation texte source/texte cible à la partie AT, dans la mesure où l’hébreu est une langue qui impose la postposition du substantif déterminant dans le GN (construction dite « état construit »).
Le latin classique a, comme on le sait, un ordre totalement mixte N-Gén. / Gén.-N et ce double placement du génitif à gauche ou à droite à l’intérieur du GN a fait l’objet de multiples études, qui mettent l’accent sur des paramètres syntaxiques, ou sémantiques, ou informatifs, ou prosodiques1).
En revanche, le latin biblique a dans les Evangiles un ordre N-Gén. à plus de 95 % (Matth. 97.1 %; Marc. 97,1 % ; Luc. 97.9% ; Ioh. 94.1 %).
- (23) in domo Simonis leprosi (Matth. 26, 6) ; lilia agri (Matth. 6, 28)
Cette postposition généralisée du Génitif reflète fidèlement la situation du texte source grec dans lequel l’ordre N-Gén. se présente dans les proportions identiques suivantes : Matth. 97.6 %; Marc. 97.8 %; Luc 93,3 %; Ioh. 95, 4%2).
S’agit-il ici aussi d’un effet calque de la traduction ? Une comparaison avec des œuvres non traduites de Jérôme montre que cet ordre quasi exclusif N-Gén. ne se rencontre que dans sa traduction biblique : dans d’autres textes dépouillés par Ch. Gianollo (Lettres, de uita Malchi, de uiris illustribus), l’ordre N-Gén. oscille entre 45 et 60 %. En revanche, dans des œuvres représentatives d’un sermo cotidianus grosso modo contemporain, comme la Passio Perpetuae et Felicitatis, ou la Peregrinatio d’Egérie, l’ordre N-Gén. se rapproche bien davantage de celui du NT : respectivement 84.2% et 93.5 %3). Il ressort de ces données que la postposition biblique du génitif adnominal semble bien correspondre ici à un trait général de l’évolution du latin, s’inscrivant dans le passage général au « branchement droit ». Le parallélisme frappant avec l’ordre des mots de l’original grec n’est pas une simple reproduction mécanique due à une traduction littérale, mais résulte de la rencontre entre la configuration montante latine N-Gén.4) et l’effet calque né de la traduction qui a pu exercer une influence adjuvante.
Revenir à l'introduction du § 3 ou Revenir au sommaire du § 3.1.