Couleur et Végétation : flōs, flāuus
6. Formes latines : *bhleH3- ou *ghleH3- ?
6.1. *gh en latin
En latin, le traitement de i.-e. *gh- à l’initiale est fluctuant : on a f- dans fundo (i.-e. *gheu- « verser », sk. hu , gr. χέω)1) et fel « bile » (i.-e. *ghel-, gr. χόλoς), mais h- dans holus (i.-e. *ghel- « jaune-vert ») ou horior (i.-e. *gher : osque her- « vouloir » ; gr. χαίρω, etc.).
6.2. Lat. * ōu- > āu- ?
Si le suffixe est * wo-, on attend (traitement antéconsonantique de * eH3) *flōuus et *χλώη, comme flōrus et χλωρός.
Pour rendre compte de flāvus, on a imaginé une loi phonétique * ōu- > āu- (Meillet-Vendryès 1927, 107 ; Leumann 1977, 55 ; Sihler 1991, 300), loi qui relève de la constatation plus que de l’explication.
L’hypothèse de Martinet fait l’économie d’une telle loi et flāvus, comme χλόη, a le timbre attendu.
6.3. Un microsystème ?
Dans la même zone chromatique qui va du jaune au bleu, on rencontre deux bases indo-européennes *(H)bhel- et *ghel-, élargies par un même suffixe *-eH3- ; *ghel- semble avoir d’abord désigné la végétation verdoyante (gr. χλόη, lat. holus), puis la couleur verte (gr. χλωρός, lit. zãlias, sk. hari, etc.) ; *bhel-, dont le sens ancien semble avoir été « gonfler, pousser », est associé aux fleurs et à une couleur mal définie, mais sans éclat.
Les formes germaniques et celtiques appartiennent à *bhel- et les formes grecques à *ghel-. Ces deux bases constituaient un microsystème lexical, dont l’unité était assurée par la sémantique (couleur ‘centrale’ ⇔ végétation) et par la morphologie (même suffixe *-eH3). On s’attend donc à des interférences phonétiques et sémantiques, ce qui rend encore plus difficile la reconstruction des prototypes i.-e.
Le latin pourrait avoir confondu les deux bases.