improbus, a, um
5. Place dans le lexique latin
5.1. Analyse synchronique du lexème. Formation du mot en latin
Improbus est un composé formé du préfixe in- privatif (<* -) et de l’adjectif probus, lui-même inanalysable en synchronie (cf. §6.2. pour l’analyse en diachronie).
5.2. Réflexions métalinguistiques des auteurs latins (source : Maltby (1991, 298 s.u.))
- Non. p. 327, 4 : inprobum est, sicuti manifestum est, minime probum.
- Isid. Orig. 10, 136 : inprobus dictus quod instat etiam prohibenti.
5.3. « Famille » synchronique du terme
Improbus est l’antonyme morphologique et (partiellement) sémantique de probus (cf. § 5.4. ) qui signifie « de bonne qualité, bon » et, au sens moral, « probe, honnête, droit ». Les deux adjectifs ont donné lieu à une famille importante de dérivés, de manière assez symétrique, même si, comme le montre la liste suivante, cette symétrie n’est pas systématique :
Terme positif | Terme négatif |
---|---|
probus probe probiter probitas | improbus improbe improbiter improbitas |
probare probatus probatio probator | improbare improbatus improbatio improbator |
probabilis probabilitas probabiliter | improbabilis 0 improbabiliter (rare) |
probamentum probaticus probatiuus probatoria proba | 0 0 0 0 0 |
probitus(rare) 0 0 0 | 0 improbito improbulus improbosus |
5.4. Associations synchroniques dans le lexique latin
L’adjectif entretient des rapports de synonymie et d’antonymie.
5.4.1. La synonymie
La polysémie d’improbus, riche de plusieurs valeurs bien distinctes, a pour conséquence le fait que, pour chacune de ses valeurs, l’adjectif n’a pas les mêmes synonymes : ceux-ci sont donc toujours en relation de synonymie partielle1)avec improbus.
Pour la valeur de « mauvais, méchant, malhonnête », il entre en relation avec nequam :
- Cic. Verr. II, 3, 84 : […]alios quos tanquam canes immitteret, nequam homines et improbos […].
« […] d’autres hommes qu’il lançait comme des chiens, hommes sans valeur morale et sans probité […]. » (traduction J.-F. Thomas)
mais aussi malus, scelestus, sceleratus, impurus, perditus.
Il participe à l’expression de l’impudeur au même titre que libidinosus et impudicus :
- Cic. Scaur. 8 : […]libidinosam atque improbam matrem […].
« […] une mère débauchée et impudique […]. » (traduction J.-F. Thomas)
- Cypr. Hab. uirg. 9, p. 194, 15 : […] cultus improbus et impudicus ornatus […].
« […] une allure effrontée et une parure impudique […]. » (traduction J.-F. Thomas)
Quand il signifie « impudent, acharné », il rejoint petulans, impudens-impudentia, immoderatus, intemperans :
- Cic. Cluent. 39 : […]ex petulanti atque improbo scurra in discordiis ciuitatis ad eam columnam ad quam multorum saepe conuiciis perductus erat tum suffragiis populi peruenerat.
« […] de bouffon effronté et impudent qu’il était, à la faveur des discordes civiles, il était arrivé, grâce aux suffrages populaires, à siéger près de cette colonne où l’avaient conduit souvent les cris insultants de la multidude … (il s’agit du tribunal des triumuiri capitales). » (traduction J.-F. Thomas)
- Cic. Verr. II, 3, 155 : Qua impudentia putatis eum in dominatione fuisse, qui in fuga tam improbus sit ?
« De quelle impudence pensez-vous qu’il a fait preuve dans sa domination, pour être à ce point déterminé à la fuite ? » (traduction J.-F. Thomas)
Le sens de « déplacé, inapproprié, inconvenant » est plus rare, mais il met l’adjectif en relation avec deformis, indecens, turpis :
- Gell. 19, 2, 1 : Ex his omnibus (= sensus)quae immodice uoluptas capitur, ea turpis atque improba existimatur.
« Le plaisir qui provient de tous ces sens, quand il est pris sans mesure, est jugé honteux et pervers. » (traduction J.-F. Thomas)
5.4.2. L’antonymie
Pour une part, la signification d’improbus est l’exact contraire de celle de probus et la valeur de « mauvais, méchant, malhonnête » s’oppose à celle de « bon, honnête ». Sont concernées des choses :
- Pl. Mil. 728-729 :
Quae probast mers pretium ei statuit, pro uirtute ut ueneat,
quae inprobast, pro mercis uitio dominum pretio pauperet .
« Les bonnes marchandises, il en règle le tarif de manière qu’elles soient vendues pour ce qu’elles valent ; et les mauvaises, pour qu’elles appauvrissent leur propriétaire à proportion des défauts qu’elles présentent » (traduction A. Ernout, 1970, CUF)
mais plus souvent les adjectifs s’appliquent à des personnes :
- Pl. St. 12-14 :
patrem tuum
[…] unice qui unus
ciuibus ex omnibus probus perhibetur,
eum nunc inprobi uiri officio uti.
« […] que ton père […] qui passe pour le plus honnête homme de toute la ville, se conduit à présent en malhonnête homme […]. » (traduction J.-F. Thomas)
Il se spécialise pour la débauche des mœurs et l’impudeur, mais cette valeur est postérieure (Catulle +) à la valeur antonyme de probus, attestée dès Plaute (Amph. 678). Il s’agit d’une antonymie d’inversion2)car elle repose sur une axiologie antithétique : « qui est conforme à ce qu’il doit être » - « qui n’est pas conforme à ce qu’il doit être ».
En revanche, inprobus signifie « impudent, acharné », tandis que probus n’a pas la valeur de « mesuré ». Ce développement sémantique particulier relève de l’unité d’image3))car un composé peut avoir des sens qui vont au-delà de la stricte addition des sommes de ses deux éléments constitutifs. En effet, ce qui ne va pas droit résiste à l’orientation fixée pour continuer (pro-) et cette résistance forte devient de l’acharnement. En outre, l’adjectif a subi l’influence de l’abstrait improbitas qui dénote la méchanceté et la perversité comme une dynamique très forte, le terme étant coordonné à audacia :
- Cic. Verr. II, 2, 71 : […] ne dissimulatione quidem tectam improbitatem et audaciam .
« […] une méchanceté et une audace qui n’étaient pas même masquées par la dissimulation. » (traduction J.-F. Thomas)
et en relation avec ratio, d’où une affirmation paradoxale comme:
- Cic. Nat. 3, 69 : […]uidetur summa inprobitate usus non sine summa esse ratione […].
« […] il paraît avoir fait preuve d’une parfaite méchanceté, non sans avoir agi de manière parfaitement rationnelle. » (traduction J.-F. Thomas)
Pour la valeur d’« impudent, acharné », improbus a comme antonymes modestus, moderatus, pudens :
- Cic. Mur. 17 : […]altero improbissimo atque audacissimo, altero modestissimo atque optimo uiro […].
« […] l’un, le plus scélérat et le plus impudent, l’autre le plus modéré et le plus honnête des hommes […].» (traduction J.-F. Thomas)